Hargne, riffs et volupté. Le quatuor Valeero puise une Ardente colère qui explore des thèmes tranchants, et pas seulement via les guitares incestueuses. Pour un premier EP organique qui vise à juste titre l'international.
“J'espère que tu écoutes encore un peu du rock qui tâche” disait l'email précédant une rencontre avec Valeero à l'été 2016. En fait, non pas vraiment, même si l'incandescence est restée cette vieille copine qui ramène à la période glaciaire du Kashmir de Led Zep. Justement, le titre-phare du nouveau packshot de six chansons anglophones de Valeero, évoque assez fort les sensations millésimées, comme une brusque claque dans la nuque ou un rappel de tétanos qui tournerait mal : Mindless and Deranged annonce d'emblée la crudité du menu. Rumsteak de six cordes, canapés de claviers clairs-obscurs, borsch de batterie et vocaux flambés.
Cela pourrait être indigeste ou mille fois entendu, bizarrement non. Sans doute parce que tout se décante vite loin du mimétisme ou de la vulgarité copy-cat via des sonorités impeccablement gérées au rayon organique par le producteur Yannick Lemoine (La Plage, Ulysse, Beffroi). Un disque belge qui a du son et en joue sans complexe. La ténacité de chaque instrument est évidente, presque émouvante dans sa dévotion totale à la musique : la fin de Thru de Tides ressemble à un champ de mines et de guitares fraternelles. Une chanson d'amour ou peut-être de désamour (...), tout comme Down The Drain nourri de la même niaque insolente et d'accords musicaux pareillement graveleux. Ils ne viennent pas de Wallonie mais de cette plus large planète émotive où il est question de “souvenirs qui s'effacent petit à petit, d'angoisse, de mort et d'autres diableries”. Valeero est aussi un fantasme d'Amérique, éternelle machine à narration : le serial killer Zodiac opérait à la fin des années soixante/début des septante, au Nord de la Californie, notamment à Vallejo, ville voisine de San Francisco. Certes, le procédé qui consiste à se baptiser du nom d'un lieu géographique est bien connu -pensez à New York Dolls, Chicago ou Alabama Shakes- mais l'intention a quelque chose de cinématographique. De rêveur et de fantaisiste même si les teintes du quatuor travaillent davantage l'âge sombre que les béatitudes ensoleillées. Cette fameuse lumière noire qui, en peinture, définit l'univers sans fin d'un Soulages. Et puis, Valeero cela sonne mieux que Seraing ou Fléron. En anglais dans le texte.
Philippe Cornet